Porter la nature

J’en suis venu à me dire que la sculpture peut jouer un rôle dans la relation que nous entretenons avec la nature. Il en est de même pour la musique. Dans les deux cas, c’est une possibilité d’une richesse et d’une importance inouïe. Je conçois la sculpture comme un médium performatif dont l’action joue un rôle dans la relation que l’humain entretient avec son environnement. Par la plasticité des sculptures je produis une expérience concrète où la nature, la sculpture et le spectateur construisent conjointement le vocabulaire et le sens d’une relation qui les lie. J’y vois un parallèle avec la musique du Domaine Forget alors qu’elle crée l’harmonie entre les éléments et l’humain. Ces relations sont les plus importantes qui soient dans nos civilisations actuelles où il est facile d’oublier nos origines et notre propre nature. Dans le contexte du Domaine Forget, je n’ai pu faire autrement que de considérer la musique comme un élément de nature au même titre que l’est une pierre, la végétation, un petit animal… indistinctement. C’est pour moi le meilleur hommage qui soit.

Mes recherches me permettent de mieux comprendre de quelle façon l’œuvre sculpturale agit sur notre perception et compréhension de la nature. La sculpture peut créer le «cadre» qui met en évidence la nature et qui la révèle. L’œuvre Nomade, créé en 2012 pour le Parc de Sculpture Al-Maaden à Marrakech est un moment charnière dans ma production. Par les formes de ce diptyque et par l’action de rassembler les pierres de l’Atlas, je fais écho à la topographie du lieu, à son développement naturel et géologique, à son caractère unique. C’est dans cette optique que j’ai développé Porter la nature. Par un renversement de l’ordre habituel des choses où le métal n’est plus occupant du minéral mais bien à son tour une structure de soutient, où la pierre n’est plus dispersée au sol mais bien rassemblée et surélevée, je place le spectateur dans une position telle qu’il doit prendre en considération l’ensemble de son environnement pour y construire un sens. La sculpture met en scène un espace tridimensionnel ou les jeux de distances, de formes, de proximité modulent les rapports entre l’environnement et le spectateur. La musique procède de la même façon. La composition d’une pièce musicale nécessite aussi une « mise en espaces ». Les sons s’y juxtaposent, se distancient, s’alignent… Dans la nature, la musique peut aussi renouveler le regard et contextualiser car elle possède cette force performative. Au travers de la conception et de la réalisation de Porter la nature, mon objectif fût de resserrer cette recherche pour en préciser certains aspects, notamment ceux liés à l’aspect performatif de la nature même. La nature est là, sans intention qui la précède et c’est pourtant suffisant pour agir. On dit parfois, autant en musique qu’en sculpture qu’il faut écouter, s’inspirer de la nature… Je crois que c’est à l’aspect performatif de la nature même qu’on fait référence en ces moments. Il est important de se laisser atteindre par elle et c’est dans cette logique que se déploie Portée la nature.

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